🖊 Le Cyclone à la Réunion met en lumière la vulnérabilité d’une partie de la population - 2022
L'île de la Réunion avait été placée en alerte rouge cyclonique mercredi à 19h locales (15h GMT), imposant aux 860.000 habitants d’être confinés chez eux. "L'alerte rouge reste en vigueur cette nuit » a annoncé le préfet de La Réunion. Les vents violents et le risque de crue sont maintenus.
Estelle F. travaille chez Mr Bricolage, à l’est de Saint Denis, sur la côte nord de l'île. Lundi et mardi ont été des journées particulières : « On a eu beaucoup de gens qui venaient pour essayer de renforcer leurs habitations. On a vendu énormément de sangles pour attacher les arbres, des bananiers, à des poteaux. Pour éviter qu’ils tombent sur des maisons, sur les voitures. Des vis pour renforcer les toits.
Les jours précédents, les informations à propos de ce cyclone et de sa possible gravité lui sont difficilement parvenues. Pas de canal officiel pour une information sûre. Du bouche à oreille, parfois propice aux excès et aux rumeurs, « des médias qui auraient dramatisé ». C’est par le biais de groupes Facebook , tel que « ActuMétéo974 » ou des groupes d’entraide, ainsi que « radio Freedom » qu’elle a trouvé le moyen de s' informer sur les mesures à venir et l’évolution possible du Cyclone. Depuis mercredi et la mise en place de l’alerte rouge, la télévision couvre le sujet du cyclone en boucle.
Dans le cadre de son travail, Estelle voit « souvent des personnes qui ont peu de moyens, font leurs travaux par eux-même », et qui, lorsqu’elle leur demande leurs préférences, ont comme seul critère d’obtenir « le premier prix. » « Beaucoup de toitures ici sont en tôle, car c’est ce qui coûte le moins cher. Des gens essaient de trouver des solutions à moyen cout ».
Les différentes réactions face au cyclone Batsirai mettent en exergue la précarité d’une partie de la population de la Réunion. Selon l’INSEE, la moitié des habitants de La Réunion a un niveau de vie inférieur à 1 290 euros par mois. Le taux de chômage y est particulièrement élevé, de l'ordre de 29 %, dont 60 % chez les jeune. Parmi la population la plus précaire, la plupart vit sur les hauteurs de l’île là ou les loyers sont les plus abordables, et là ,aussi où les habitations sont les plus fragiles. D’autres de ses clients, cherchant eux aussi à renforcer leurs habitations, étaient issus des quartiers très populaires du Chaudron, des Camelia à Saint Denis. »
Anne K, son amie, est gérante d’un commerce au cœur de Saint Denis. Malgré le bruit des bourrasques violentes qui soufflent aux fenêtres de leur appartement, Anne a l’esprit tranquille. Un sentiment mêlé d’expectative, vaguement d’inquiétude et d’excitation l’habite mais rien qui s’apparente à de la peur. « À l’abri, dans un immeuble sûr », la curiosité l’emporte sur la crainte. De ses fenêtres, là où elle apercevait à peine la mer il y a deux jours, elle voit à présent les rouleaux se former, des vagues gigantesques s’abattre et l’écume jaillir. Au pied de son immeuble, les rues d’habitude animées sont désertes, les poubelles renversées, le confinement est respecté par tous.
Anna rappelle qu’ « à saint Denis les gens ont des maisons correctes qui ne risquent pas de s’envoler. » « Je ne sais pas comment cela se passe pour des gens qui vivent dans des maisons avec des toitures en tôle ». A la télévision, elle décrit, dubitative, avoir vu un spot recommandant de « mettre du sparadrap sur vos fenêtres pour éviter qu’elles exposent ».
Ce sont dans les hauteurs de l’île, pendant des excursions, qu’Anna et Estelle ont découvert les ravines. « Ce sont des lits de rivière, ou l’eau s’engouffre lorsqu’il pleut beaucoup. Cela crée des rivières torrentielles qui débordent de leurs lits ». Des routes en lacets sont construites au-dessus de ces ravines et deviennent dangereuses et impraticables en cas d’intempérie. Jeudi matin, Jacques Billant, le préfet avait invité les Réunionnais qui habitent près de ces cours d’eau à se réfugier dans des centres d'hébergement ouverts par les communes. À la Réunion, comme ailleurs, on peut observer une inégalité sociale renforcée et nourrie par une inégalité climatique, de par la répartition de la population sur le territoire et la précarité de certaines habitations.
Dans la soirée de jeudi, Jacques Billant, le préfet, alertait encore sur un risque de crue après le passage du cyclone Batsirai.
4 FĂ©v. 2022