🖊 Meurtre de la travailleuse du sexe Vanesa Campos: les déclarations de Karim Ibrahim et les ombres du bois de Boulogne - 2022
Trois ans et demi après la mort de Vanesa Campos, tuée par balle dans la nuit du 16 au 17 août 2018, le procès se poursuit devant la cour d’assises de Paris. Karim Ibrahim, le chef du groupe de jeunes hommes d'origine égyptienne qui maltraitaient et rackettaient les prostituées et leurs clients comparaît ce jeudi.
Au cours de cette journée seront aussi entendus Mahmoud Kadri, 24 ans, soupçonné d’être l'auteur du tir mortel sur Vanesa Campos et Aymen Dib, 25 ans, soupçonné de lui avoir porté un coup de couteau. L’une des questions centrales de ce procès est de savoir qui, de Karim Ibrahim ou de Mahmoud Kadri, est l'auteur du coup de feu fatal qui a ôté la vie à Vanesa Campos.
Avant Karim Ibrahim, ce matin c’est Chawky Zenkwy, l’un des 8 accusés, qui donne sa version des faits.
De Vanessa Campos, Chawky Zenkwy raconte qu”« elle était d’accord pour être dépouillée. Elle était gentille avec moi, elle me permettait de voler, de faire mon travail ». La nature de ce travail : le vol des clients et des prostituées, dans un climat de terreur. De Karim Ibrahim il fait le portrait d’un homme redouté par tous qui considérait cette partie du bois de Boulogne, entre les étangs et le Pavillon, comme « son terrain, sa propriété ». Chawky Zenkwy décrit au bois de Boulogne une carte de territoires délimités, que Karim Ibrahim et d’autres se sont approprié . « Ici, c’est Ibrahim, ailleurs ce sont des Roumains, des Polonais ». Un « travail » donc, et une hiérarchie.
Karim Ibrahim prend la parole : « Bonjour tout le monde . D’abord je souhaite exprimer mes sentiments. Je suis triste pour la victime et j’adresse mes condoléances à la famille de la victime ». Il reconnaît la volonté qu’il a eu ce soir là d’en découdre avec les deux « personnes de couleur noire » qu’avaient engagé les prostituées pour se protéger d’eux. Ensuite il décrit précisément les faits et gestes de son acolyte Mahmoud Kadri et le désigne comme le coupable du meurtre de Vanesa campos.
Puis, soudainement, il éclate en sanglots: « Mme la juge écoutez-moi bien s’il vous plaît. Je suis un sale voleur. Je ne suis pas allé dans les bois pour tuer une personne. Je ne suis qu’un voleur. Ils sont en train de me mettre tout sur les épaules mais j’ai confiance en la justice. Je n’ai pas été là bas pour faire ce qu’ils ont fait. Je suis allé la bas parce qu’il y avait deux personnes de couleur noire. ». « Je ne savais pas qu’il allait faire ça » dit-il en parlant de Mahmoud Kadri.
La présidente de la cour, Caroline Jadis-Pomeau lui rappelle qu’hier les parties civiles sont venues témoigner. Elles l’ont reconnu et désigné comme « El Nano », le chef de la bande, et comme « le plus violent, le plus méchant ». Les travailleuses du sexe ont aussi dénoncé les violences et les viols dont elles ont été victimes à de multiples reprises.
Karim Ibrahim l’interrompt « C’est faux, ça m’est même arrivé de leur acheter des choses ». « On a l’impression dans cette audience que tout le monde a été si gentil avec elles » lui répond la présidente de la cour.
« Je ne faisais qu’asperger » dit-il, « j’utilisais la bombe lacrymogène quand on me courrait après. Je me défendais, c’est la seule chose que je faisais. Dans les bois il y a souvent des individus qu’on ne connaît pas et qui peuvent vous courir après. » Sa tête bascule, tombe sur sa poitrine par mouvements saccadés, involontaires. Karim Ibrahim raconte des individus menaçants. D’autres les auraient vu aussi, il le promet à la présidente de la cour, et ce récit l’éloigne de celui du jour ou Vanessa Campos a tragiquement perdu la vie.
Le verdict est attendu le 28 janvier.
Constance Lacorne . 20/01/22