🖊 Déconfinement à l’échelle nationale, les doutes d’un médecin urgentiste en Seine-Saint-Denis / 10.06.21
Pourquoi un déconfinement national alors que, dans certaines régions, le niveau de propagation du Covid est encore élevé ? Romain Dufau est responsable des urgence à l’hôpital Jean Verdier , en Seine-Saint-Denis. Il exerce son métier au coeur d’un des département les plus touchés par le covid.
Il est à la fois étonné et résigné. Étonné par le manque de cohérence de ces décisions, et résigné, à force d’avoir assisté aux valses-hésitations et contradictions du gouvernement. Selon lui « il faudrait une stratégie plus régionale, comme en Espagne. Qu’ il y ait une interdiction de passer de région en région, la fermeture des collèges et lycées, et dans le régions moins touchées, des auto-test pour lesquels on ne demande pas d’autorisations parentales. Et bien sûr une vaccination en masse, quel que soit l’âge. Des décisions fermes. En Israël pour passer son bac, la condition préalable était de se faire vacciner. Tous les 17, 18 ans sont à présent vacciner. ».
Des hôpitaux qui fonctionnent encore en flux tendu dans certaines régions
« Pour l’Ile de France, ça commence à peine à descendre, nous travaillons encore à flux tendu. Le flux des patients covid a pu être absorbé au prix d’une réorganisation totale de l’hôpital et d’une déprogrammation importante. Entre 50 et 70 % de l’activité « classique » a été annulée. Les médecins ont été obligés de travailler dans des unités covid, des services entiers ont été transformés. Aujourd’hui le gouvernement prend cette décision et nous demande de faire encore des efforts. Mais ce gouvernement n’a pas pas donné les moyens à l’hôpital publique d’avoir un temps de répit et de permettre aux services dédiés à des pathologie spécialisées de reprendre leur activité ». Dans un département des Haut-de-Seine ou il y a de nombreuses cliniques, les gens parviennent à peu près à se faire soigner. En Seine-Saint-Denis, les habitants n’ont pas les moyens de s’adresser à la médecine privée et sont « totalement tributaire de la médecine hospitalière. Tous les malades chroniques, les diabétiques, ceux qui sont atteints d’insuffisances respiratoires, n’ont plus accès à l’hôpital. Il y a eu et il y a un manquement grave dans la qualité du suivi des patients non-covid. Nos équipes vivent une double pression, celle liée aux patients covid et celle liée aux patients non-covid ».
Pour Romain Dufau, décider d’un déconfinement à une échelle nationale, c’est continuer à prendre le risque d’un épuisement du personnel médical, et faire planer l’ombre d’une nouvelle vague.
11 mai 2021 - Constance Lacorne