đź–Š Lili Barbery . La narine et le galet (et le Yoga)
Le yoga emplit des bouches de de ses disciples d'un discours ésotériques, leur savoir est vague et extrêmement vaste et touche tous les domaines . À les entendre le yoga donne du sens à l’insupportable comme à l’anodin, au grotesque, à un plat fade ou infecte, au malheur, à la maladie, au hasard, au détail. Il revisite les sciences quantiques, guérit, féconde et nous introduit dans un dialogue, un cercle de discussion avec l'univers.Tout simplement.
Cet univers auquel on s’adresse serait un Dieu sans visage, informe et individualiste, qui se prête à toutes les attentes, à toutes les demandes. Le demande d’une étreinte, d’ un prêt immobilier, d’un cochon d’Inde, de la paix dans le monde ou dans sa tête, d’un enfant, d’un canapé. De quelle manière accède-t-on à tout cela ? On psalmodie, on s’étire, on respire fort, on reconstitue en nous l’univers, on scintille, on souffle par le nez, on bloque sa respiration. Vertiges, montée d’adrénaline, odeur de pied, extension de l’esprit qui fait corps avec le cosmos, on s’étend jusqu’au tapis de nos voisines de torture, on ferme les yeux, et brusquement on a la sensation de vivre à l’intérieur de la narine gauche de la femme qui respire si bruyamment à nos côtés.
Un rai de lumière se dépose sur notre visage ou la photo prise avec votre portable? Une étoile filante aperçue à travers la nuit, un souhait exaucé, une rencontre inopinée, le marchand de légumes qui nous sourit, la fortune, la maladie, le temps qui s’éclaircit, le plombier moins cher que prévu, une crotte de chien sous notre semelle ? Est-ce un hasard, un incident, une chance ? Non, c’est l’univers qui nous répond, “Il” nous parle. Il est pourvu d’une logique, d’un ordre, d’une volonté et ne laisse rien au hasard.
Ce Dieu, cet ordre du monde dont le visage est sans contour, serait le cosmos, l’air qu’on respire, les particules de notre corps. Il est les frites de patates douces dans nos assiettes, le jus de potiron dans notre verre, une mère bienveillante et omniprésente. Il est tout et nous aussi, lui en nous, nous en lui, je ne sais plus. Nous serions chacun une sorte de temple sans murs qui le renferme. Fermez les yeux .. Inspire, expire …
Pratiquez le yoga et la porte s’ouvrira pour engager une conversation avec l’univers et tenter d’être dans ses petits papiers. Et c’est là que cesse l’ironie et les blagues douteuses.
Car hier j’ai pris un cours hier avec Lili Barbery. Je suis arrivée avec une minute de retard, avec toute la noirceur et ce fardeau d’ironie qui égaye mes jours et me désespère à la nuit tombée. Lili m’a accueillie, placée devant elle, tendu sa couverture. Il m'a fallu fermer les yeux. À chaque fois que je les ouvrais, je regardais son sourire et j’étais envahie par une envie primale et dévastatrice de me rouler contre elle, ou du moins dans ce qu’elle était en train de créer autour d’elle (j’ai aussi pu m’assoupir à un ou deux moments). Sa peau me paraissait douce et d’une belle couleur. J’étais persuadée qu’elle sentait bon. C’était, et l’image est étrange je le reconnais, comme s’abimer dans la contemplation d’un galet d’une forme harmonieuse, un galet solide, souriant, immuable et l’entendre. Non pas entendre ses mots mais son intention. Les chants de gongs m’apaisaient malgré moi, à d’autres moment ils m’auraient irritée jusqu’à la violence physique. Ses mots, quoiqu’assez mystérieux, me berçaient. Je ma laissais emporter tout en me posant quelques questions. Qu’est donc cette conscience supérieure qui nous unirait tous ? Pourquoi me parler si souvent de mon cycle ? Comment peut-on oser respirer si bruyamment contre ces inconnus, les pieds collés à leurs oreilles? Je percevais néanmoins, et bien malgré moi, une pensée d’amour, d’acceptation, une injonction douce, celle de cesser de penser pour entendre. C’était comme se reposer de tout. C’était comme se plonger dans le bain de l’enfance et des besoins qui existaient alors et qui n’ont jamais cessé. Depuis ils se sont masqués, travestis mais ils sont toujours tapis au fond de nous et là , assise sur mes pieds, je me rappelle d’un bien être que tout mon corps et mon âme aspirent à retrouver. La sensation prend le pas sur la pensée. Alors qu’importe le flou, le mysticisme, l'approximation, la pire ordure ne peut que se sentir bonifiée par cet état ou l’ironie et la méchanceté cèdent, temporairement.
J’espère que cet article ne sera pas vécu comme un blasphème par ses adeptes les plus fervents. Peut être suis je sur le chemin pour les rejoindre, ou bien l’aurai-je -été au moins une fois.
Lili Barbery Coulon : Le site de Lili Barbery , et son compte Instagram